Cinq objets aux formes biconiques, fabriqués d’un tissu translucide, sont suspendus dans l’espace de la salle d’exposition. Plusieurs cycles de vidéos et de sons se déclenchent, évoquant une dramaturgie sensible des entités biogéochimiques de notre Terre et de ses organes tissés : hydrosphère, géosphère, biosphère, atmosphère… Le rythme des images et du son, comme d’autres paramètres audio et vidéo, font écho à la fois à la capacité de régulation des « organes » terrestres, à la tendance à l’équilibre dans la nature (homéostasie), ainsi qu’aux points de basculement, aux seuils, au-delà desquels les équilibres sont rompus de façon parfois irréversibles, et qui font basculer vers de nouveaux équilibres.

Golnaz Behrouznia se fait connaître depuis quelques années par un travail plurimédia centré sur la chose vivante. Les formes qu’elle développe patiemment, depuis son passage par les Beaux Arts à Téhéran et la Création Numérique à Toulouse, ne sont pas sans parenté avec ce que nous savons de l’organisation de la vie : on peut reconnaître ainsi sur ses « chimères » des yeux, des membres, des flagelles, peut-être des bouches, des estomacs. En regardant ses dessins, ses sculptures, ses installations et performances, on ne se sent pas totalement désorienté, sans qu’il s’agisse pour autant d’une représentation d’artiste.

Dans ce fragile équilibre entre l’impression de connu et la sensation de n’être pas non plus dans la représentation d’après spécimen, le spectateur hésite, se demande s’il connaît ce qu’il voit, ou bien s’il est en face de quelque chose de tout à fait inconnu, dont il n’aurait jamais vu le référent.

La séduction de l’œuvre de Golnaz Behrouznia s’opère à partir de cet instant, ce point de déséquilibre où se tient toujours le spectateur – même s’il fréquente ces œuvres très régulièrement. Les voir et les revoir plusieurs fois ne résout pas l’énigme.

​Son travail récent repose sur une volonté d’interroger les enjeux sociétaux et environnementaux avec les outils mêmes qui ont façonné nos trente dernières années. Dans Dissimilarium, c’est la question brûlante de savoir comment habiter le monde, quand il est peut-être une illusion, ou quand il est peut-être déjà trop tard, ou quand l’hybridation a fait disparaître la monade originelle.