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Interview de Luc Bortoli, “Tous les cours d’eau à ciel ouvert sont des corridors écologiques"

16/10/2020 Préserver, recycler...

La vie des poissons en dit long sur la qualité de nos cours d’eau... C’est en partie sur la base des études piscicoles de la Fédération de pêche et de protection des milieux aquatiques 63, où Luc Bortoli est responsable développement, que la Métropole réalise ses vastes travaux de renaturation de nos rivières. Rencontre.

Qu’est-ce qui caractérise les cours d’eau de la métropole ? Quel état des lieux faites-vous ?

Si on fait une photographie du réseau hydrographique de la métropole, nous avons trois petits cours d’eau principaux: l’Artière, le Bédat et la Tiretaine — plus un petit bout de l’Auzon — et une partie de la rivière Allier, à Pont-du-Château et Cournon-d’Auvergne. Nous avons des enjeux différents d’un cours d’eau à l’autre, mais du coup, la biodiversité est extrêmement riche, avec des espèces à forte valeur patrimoniale comme les anguilles ou les saumons. Ce qu’il faut avoir en tête aujourd’hui, c’est aussi que tous les cours d’eau, ici ou ailleurs, souffrent du changement climatique. Et ce phénomène est amplifié par des actions plus locales. Par exemple, l’Artière connaît des étiages sévères –c’est-à-dire une importante diminution de son débit en été– et pourtant, il y a quand même des gens qui continuent d’y puiser l’eau pour arroser leur jardin ou faire le niveau de leur piscine…

Pourquoi c’est important de prendre soin de nos cours d’eau justement ? Quels sont les enjeux pour la population ?

Nous avons une responsabilité vis-à-vis du maintien des espèces. C’est primordial d’arriver à préserver cette biodiversité en plein cœur des villes. Tous les cours d’eau à ciel ouvert sont des corridors écologiques. Au parc Beaulieu ou aux Carmes, par exemple, nous avons des endroits très sympas où les poissons sont très présents ! C’est quelque chose que nous devons transmettre aux générations futures. Avant, avoir des truites dans les cours d’eau, c’était quelque chose d’assez banal. Aujourd’hui, on se retrouve avec des reliquats de populations sur certains secteurs. Prenez aussi l’exemple des écrevisses à pattes blanches. Avant, elles étaient très courantes, aujourd’hui, à cause de la pollution, elles sont devenues extrêmement rares. Je trouve logique que l’on essaye d’expliquer à nos enfants que la vie, ce n’est pas que des voitures et du béton.

La Métropole a engagé d’importants travaux de renaturation des rivières. Mesurez-vous déjà leurs impacts sur la faune et la flore ?

Les inventaires que nous réalisons permettent effectivement de voir si les travaux de renaturation portent leurs fruits. Il y a aussi les études physico-chimiques. Mais le meilleur indicateur reste le poisson, car c’est lui qui est au bout de la chaîne. Il y a deux choses à prendre en compte. D’un côté, les travaux physiques de renaturation des milieux comme la Métropole a mené sur l’Artière, à Aulnat, Beaumont ou Aubière. Et de l’autre, ses actions pour l’amélioration de la qualité de l’eau par le biais de l’assainissement. Il y a bien sûr encore plein d’améliorations à apporter et les cours d’eau souffriront toujours de pollution ponctuelle ou de sécheresse, mais les efforts faits ces dernières années sont en train de payer. À Aulnat, par exemple, suite aux travaux de renaturation, certains poissons sont revenus.

Comment imaginez-vous les cours d’eau du territoire dans les années à venir ?

C’est dur de se projeter, dans la métropole ou ailleurs, car on se rend compte que le changement climatique va très vite. Ce qui était exceptionnel dans les années 2000 est aujourd’hui devenu la norme. Je me souviens, en 2003, nous avons connu une sécheresse inédite. Depuis 2015, c’est chaque année pareil ! On va continuer à améliorer les habitats, mais on ne peut avoir aucune certitude sur les débits. Tous les ans, il y a des arrêtés qui restreignent l’utilisation de l’eau. Un jour, il y aura des problèmes sur les usages quotidiens.On doit repenser la gestion quantitative de l’eau, pas seulement qualitative. C’est certain qu’il faut réagir. Chacun doit adopter les bons gestes pour économiser l’eau et respecter sa qualité.