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Interview de Sébastien Contamine : “La meilleure énergie, c’est celle qui n’est pas consommée”

17/06/2022 Préserver, recycler...

Depuis sa création en 1996, l’Aduhme* accompagne les collectivités et les acteurs des territoires du Puy-de-Dôme sur les questions énergétiques. À la lumière des enjeux écologiques et de la hausse du prix des énergies, son expertise est précieuse pour toutes celles et ceux qui veulent prendre le virage. Explications avec Sébastien Contamine, son directeur.

  • Les collectivités jouent un rôle important dans la transition énergétique. Que leur conseillez-vous à l’Aduhme pour parvenir d’ici 2050 à l’objectif quasi mondial de la neutralité carbone ?

La meilleure énergie, c’est celle qui n’est pas consommée. Il faut avant tout privilégier la sobriété de l’usage, l’efficacité des systèmes et des structures avant de penser diversification énergétique. Aujourd’hui, nous consommons encore beaucoup trop pour entrer dans les scénarios du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Nous souhaitons amener les acteurs du territoire à réfléchir autrement, à se poser les bonnes questions. A-t-on besoin de chauffer les écoles lorsqu’il n’y a personne dedans ? Faut-il encore éclairer les villes la nuit ? Doit-on garder les vielles bâtisses qui coûtent cher en rénovation et en fonctionnement ? A-ton isolé son bâtiment, changé le système de chauffage, remplacé ses ampoules par des LED ? Revoir notre façon de faire passe aussi par le choix des énergies renouvelables (solaire, biomasse bois, géothermie…). Nous devons nous adapter, prendre en considération les évolutions de la société, de notre environnement.

  • À ce propos, l’explosion du prix des énergies peut-elle décider les plus frileux à sauter le pas ?

Le signal prix est très important. Pour le moment, le bouclier financier mis en place par l’État sur l’électricité amortit le choc, mais pour combien de temps ? En France, 17 % du gaz consommés vient de Russie. En cas de coupure, par quoi va-t-on le remplacer ? Par du gaz de schiste polluant et coûteux acheté aux Américains ? Je pense au contraire que nous devons investir dans des énergies renouvelables. Les avantages sont multiples : elles sont inépuisables, ne génèrent quasiment pas de CO2, et permettent entre autres de réaliser à terme des économies. Sur un autre plan, la rénovation énergétique apporte également un vrai confort thermique, en hiver comme en été. Notre rôle à l’Aduhme, c’est de bousculer les habitudes. La transition énergétique ne demande pas de mettre en place des solutions hyper techniques, sophistiquées ou hors de prix. Notre credo est de répliquer sur le territoire des choses simples, maîtrisées, et ce, de manière massive.

  • Justement, avez-vous quelques exemples d’initiatives menées conjointement avec vos équipes et les communes sur le territoire métropolitain ?

Il y a deux ans, nous avons lancé l’opération “SOLAIRE Dôme” pour aider les collectivités à identifier le potentiel d’implantation de panneaux photovoltaïques en toitures des bâtiments communaux. Après avoir analysé près de 700 bâtiments publics, on a donné la possibilité aux élus de passer à l’acte par le biais d’une consultation mutualisée des entreprises locales. Une soixantaine d’installations sont potentiellement réalisables sur la métropole. Dans le cadre du dispositif sur “Chaleur + demain”, nous venons aussi en appui aux acteurs du territoire (à l’exception des particuliers) dans leur projet de recourir à la chaleur renouvelable. Ce dispositif doté de moyens financiers est porté par la Métropole, avec le soutien de l’Ademe**. Beaucoup d’élus sont conscients des enjeux, mais il y a quelques années, il fallait du courage pour prendre des décisions allant dans une logique de transition énergétique. Je pense notamment à la Ville de Clermont-Ferrand et à la Métropole qui ont fait un vrai pari sur l’avenir en déployant et en renforçant leurs réseaux de chaleur. Il est temps d’agir, ne faisons pas de la transition un vain mot.

  • Quelle vision portez-vous à l’Adhume ?

De part nos actions et l’accompagnement que nous proposons, nous démontrons que la transition énergétique n’est pas compliquée à mettre en œuvre : elle n’est pas trop technique, ni trop sophistiquée ou trop coûteuse. Notre credo, c’est de répliquer des choses simples et maîtrisées, de manière massive. Pourquoi miser exclusivement sur des solutions innovantes ultra-technologiques lorsqu’on a déjà des solutions qu’on connaît bien et qui fonctionnent, comme l’isolation par exemple de l’enveloppe des bâtiments ou la mise en place de systèmes de chaleur adaptés et performants ?

  • Pourquoi la Métropole et les communes qui la composent ont besoin de votre expertise ?

Parce que nous ne sommes pas tous spécialistes des questions énergétiques. Nous agissons avec l’idée d’être « le bras armé » des collectivités. Nous sommes là pour réfléchir à des solutions, structurer des réflexions, réaliser des analyses d’opportunité, apporter de la matière à ceux qui décident, raffermir les exigences… Les élus ont consciences des enjeux, nous sommes là pour appuyer leur stratégie énergétique.

 

(*) Agence locale des énergies et du climat.

(**) Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.