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Chantiers agricoles, les champs des possibles

03/10/2019 Aide à la recherche de formation

Depuis plus de 20 ans, l’Association départementale de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence du Puy-de-Dôme (ADSEA 63) organise des chantiers agricoles dans le cadre de son intervention de prévention spécialisée. Près de 60 agriculteurs du territoire font appel à ce dispositif destiné principalement aux jeunes

Les matins se sont rafraîchis sur les hauteurs de Châteaugay. Dans les vignes de Pierre Goigoux, au Domaine de la Croix Arpin, les ouvriers agricoles grimpent le long des ceps pour y détacher, sous l’oeil attentif de Jean-François, la maigre récolte de l’année. “Le gel de printemps et la sécheresse” sont passés par là, explique celui qui supervise les chantiers agricoles depuis plus de 20 ans. Jean-François, pourtant, n’est pas agriculteur, mais éducateur en prévention spécialisée. Un travail que ce fils de paysan mène désormais dans les champs. C’est la particularité de ce dispositif mis en place par l’ADSEA 63 dans le cadre de la prévention spécialisée, une mission transférée, depuis peu, à la Métropole(*).

Vignes, maïs, pommes de terre, camomille… Jean-François sillonne le territoire avec ses équipes d’ouvriers agricoles non qualifiés composées de jeunes issus des quartiers sensibles ou de leurs parents. “Parfois, c’est important pour un enfant de voir son père ou sa mère se lever le matin pour aller au travail. Là, on agit sur l’univers, sur l’entourage du jeune.” Avec ce dispositif probablement unique en France dans le domaine de la prévention spécialisée, tout le monde est gagnant. “Pour les agriculteurs, c’est intéressant d’avoir cette réserve de salariés”. Pour l’ADSEA 63, c’est un moyen de donner à la jeunesse le goût du travail. De lui permettre de s’engager et de quitter un quotidien parfois difficile. “On ne s’ennuie pas au moins”, relève Kelin, 25 ans, qui fait partie des volontaires dans les vignes ce jour-là. Pour ses camarades, Chaharizade, 26 ans, et Shaima, 19 ans, “les chantiers agricoles, en attendant de trouver un travail stable, comme il n’y a pas grand-chose, et ben c’est déjà pas mal !

Pas mal pour échapper au désoeuvrement. “L’objectif de la prévention spécialisée, c’est de privilégier l’aspect éducatif pour des mineurs. Plus on est là tôt, plus on agit en prévention sur les risques, plus l’action est intéressante”, explique Jean-François. Ici, l’action des villes est délocalisée sur les exploitations agricoles, mais la mécanique reste la même : tenter de faire remonter la pente à ces jeunes. Agir en amont, avant le risque de marginalisation. Prévenir la déshérence.

Au total, 19 éducateurs de prévention spécialisée sont implantés sur la Métropole : dans le centre-ville, à Saint-Jacques et dans les quartiers nord. Travaillant sans mandat judiciaire, ils respectent des règles de confidentialité et vont à la rencontre des jeunes en difficulté sur le terrain, entre autres grâce à des outils éducatifs comme ces chantiers agricoles qui posent un pied sur la ligne de l’insertion. “On veut leur montrer que l’idée du travail ne déserte pas les quartiers et que tout salaire mérite une peine. C’est beaucoup une affaire de résilience”, note Jean-François. Aujourd’hui, environ 60 agriculteurs du territoire font appel à ce dispositif innovant qui représente au moins 8 000 heures de travail salarié par an et entre 70 000 et 75 000 € de salaires injectés sur les quartiers.

(*) La prévention spécialisée était une compétence exercée par le Département avant d’être transférée, en janvier 2019, à la Métropole.