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David Chauve : “L’agriculture française est l’une des plus sûres au monde”

16/12/2019 Un écosystème dynamique

Éleveur laitier du côté d’Ambert et président de la Chambre d’agriculture du Puy-de-Dôme depuis quelques mois, David Chauve se fait le porte-parole d’une profession en mal de reconnaissance. Une profession qui subit de plein fouet les évolutions de la société et qui doit se repenser en permanence.

Être agriculteur aujourd’hui, en 2019, c’est quoi ?

C’est vaste… Mais il y a un dénominateur commun qui tient au fil des générations, c’est produire pour alimenter la population. Il faut le rappeler, surtout face aux attaques incessantes de ces derniers mois. Aujourd’hui, il y a un certain éloignement entre le monde agricole et la société. On subit aussi un poids médiatique plus conséquent et la vision du grand public est biaisée. Mais il ne faut pas oublier les fondamentaux ! Les agriculteurs sont aussi là pour maintenir les espaces ouverts, c’est important pour le tourisme. Il faut également savoir dire que l’agriculture est une activité économique à part entière. Une exploitation, c’est en moyenne 14 emplois directs ou indirects, toutes filières confondues. Aujourd’hui, être chef d’exploitation, c’est être chef d’entreprise. C’est être capable de s’adapter dans un contexte qui évolue. S’adapter à la loi du marché, au climat, aux problématiques sanitaires, à une réglementation toujours plus restrictive… La profession a relevé tous les défis qui lui ont été proposés depuis la guerre. Pourtant, aujourd’hui, on nous dit qu’on est allé trop loin et qu’il faut tout remettre en question, mais l’agriculture française est l’une des plus sûres au monde !

Comment se porte-t-elle dans le Puy-de-Dôme ? Quelles sont les spécificités du territoire ?

Contrairement à nos voisins qui sont plus spécialisés, on produit de tout. 50 % de notre production sont bien valorisés dans les différentes filières qualité, c’est un réel filet de sécurité, car nous avons une particularité, en Limagne, c’est d’avoir de petites exploitations : 55 hectares en moyenne, quand le bassin parisien est à 500 hectares. La sécurité passe aussi par la gestion de l’eau. On doit sécuriser les cultures pendant les périodes de sécheresse, c’est à-dire construire plus d’ouvrages pour stocker l’eau. C’est un gros travail à mener. Les évolutions climatiques ont un impact très direct sur les chances qu’on se donne demain. Par ailleurs, dans le Puy-de-Dôme, la ferme moyenne compte entre 50 et 60 vaches. On est loin du bassin de la Normandie ou de la Bretagne. Donc si on ne joue pas la carte de la valeur ajoutée, on ne peut pas rivaliser. Nous avons, par exemple, 30 % de notre lait qui est utilisé en AOP, soit un litre sur trois ! On est sur des équilibres très fragiles. Notre agriculture a des atouts, mais reste très vulnérable, surtout si l’élan libéral s’intensifie. Aujourd’hui, on voit aussi des agriculteurs qui se mettent à la vente directe. Les consommateurs sont en attente de ça, mais ce système a ses limites. Le développement économique est basé sur le fonctionnement des filières organisées, c’est 75 % de la production française, et je vois mal comment on peut renverser cette tendance, même s’il faut soutenir les deux systèmes. On entend beaucoup parler d’agriculture locale dans les cantines, par exemple. Nous on est prêts à mettre en place des partenariats, mais il faut que ce soit du gagnant-gagnant.

Quels sont les grands enjeux auxquels doit faire face l’agriculture sur le territoire ?

L’enjeu majeur aujourd’hui, c’est le renouvellement des générations. La pyramide des âges est inquiétante. Plus de 50 % de la population agricole a plus de 50 ans. On est en incapacité de combler un départ par une installation. Si on fait du un pour trois, ce sera déjà bien ! Les jeunes générations aspirent à vivre comme les autres catégories socioprofessionnelles. Mais la rentabilité des exploitations pose question. Et tout s’enchaîne… On parle souvent de métier passion, mais il faut que la passion soit rémunératrice car derrière, il y a des familles à faire vivre.