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Interview de Laurent Rieutord, professeur à l'UCA, géographe, et directeur de l'IADT

16/04/2021

Professeur à l’Université Clermont-Auvergne (UCA), le géographe Laurent Rieutort dirige aussi l’Institut d’Auvergne-Rhône-Alpes du Développement des Territoires (IADT).

Pour 2030, ce spécialiste de l’aménagement des territoires, imagine une métropole clermontoise apprenante, innovante, résiliente et toujours solidaire.

 

En tant que spécialiste du développement des territoires, quel regard portez-vous sur le vôtre, la métropole clermontoise ?

Clermont-Ferrand est une métropole qu’on dit intermédiaire, au cœur d’un système très complexe, avec son centre, ses périphéries, ses villes-relais, ses campagnes... Elle correspond assez bien au concept italien de “biorégion” urbaine, animée par des flux multiples et complémentaires. C’est une métropole qui conserve une certaine attractivité et entraîne autour d’elle tout un territoire. Un des paris, c’est d’ailleurs d’avoir une responsabilité vis-à-vis du Massif central, avec l’idée qu’on a perdu un rayonnement suite à la fusion des régions, mais qu’on peut le reconquérir à une autre échelle. C’est une métropole qui joue la carte de la culture, de la créativité, de l’innovation sociale et économique, et sur laquelle tous les acteurs ont une grande capacité à travailler ensemble. Mais il a aussi deux limites à mon sens. D’une part, la métropole clermontoise est petite par rapport à son vrai “métabolisme”. Elle représente 60 % de la population de son aire urbaine et couvre 12 % de sa superficie, quand Aix-Marseille, par exemple, est à plus de 80 %. Par ailleurs, depuis la fusion des régions, on observe aussi que nos villes moyennes comme Moulins, Le Puy ou Aurillac perdent des cadres supérieurs, sans parler de certaines zones rurales en déprise. Du coup, le challenge dans les années à venir, c’est de travailler davantage avec nos voisins. On devrait réfléchir à élargir l’actuel pôle métropolitain pour animer un réseau de villes à l’échelle de l’ancienne région Auvergne.

 

Est-ce que le contexte sanitaire actuel a renforcé l’attractivité de notre territoire ? Et quelles cartes les métropoles moyennes comme Clermont ont à jouer selon vous ?

Depuis la crise, l’attractivité profite plutôt aux communes voisines, ce qui confirme d’ailleurs que nous sommes bien dans un territoire à l’influence plus vaste que les limites de la métropole. Les gens s’installent dans des bourgades périphériques. Mais Clermont-Ferrand fait partie de ces métropoles bien équipées – elle présente tout de même une faiblesse au niveau de la mobilité ferroviaire – avec un environnement favorable, un tissu économique fort, des capacités à innover, une vie culturelle riche... Tout cela est très prometteur. Il y a plein d’initiatives qui peuvent accroître la résilience de ce territoire. Notamment un sujet qui me tient à coeur. Un des nouveaux paradigmes : les territoires apprenants et intelligents qui vont jouer la carte des apprentissages pour tous, tout au long de la vie. Il s’agit de s’adapter, d’apprendre ensemble, pour être plus résilient. Une métropole apprenante s’adaptera aux chocs du futur.

 

Comment imaginez-vous la métropole clermontoise dans 10 ans ?

Je vois une métropole qui alliera à la fois l’innovation, l’écologie et toutes les transitions. Les savoirs, les apprentissages, la recherche publique et privée, la culture... Parce que derrière, il y aura aussi un tissu économique qui résiste. Notre territoire est déjà une métropole résiliente : elle a su résister à plusieurs chocs industriels dans le passé. Lors de la fusion des régions, il y avait beaucoup de craintes autour de la perte du statut de capitale régionale. Or, la catastrophe annoncée ne s’est pas produite ! Clermont-Ferrand a continué à gagner de la population, de l’emploi, des étudiants (ils représentent un habitant sur sept, davantage qu’à Lyon !). Dans une étude récente de France Urbaine, Clermont est même la première métropole française pour le nombre moyen d’inventeurs pour 1000 cadres !


Quelles sont les clés, selon vous, pour réussir la transition du territoire et lui permettre de devenir encore plus résilient ?

Si la Métropole continue à travailler des sujets comme les mobilités, l’alimentation, l’énergie, l’eau, la culture, la recherche et l’innovation, elle deviendra plus résiliente. Elle doit aussi conserver cette solidarité qui est assez singulière par rapport à d’autres métropoles. Sur ce territoire, on a vite intégré l’idée qu’il fallait faire front commun, avoir une stratégie commune. C’est peut-être ça, aussi, qui fait que l’on a su tirer notre épingle du jeu. En nombre de salariés, par exemple, la ville de Clermont-Ferrand est devant Grenoble. Nous avons un cœur de ville où il y a encore de la vie ! Des gens qui y habitent et qui y travaillent. J’ajouterais un point de vigilance pour l’avenir qui entrera sans doute en compte dans le futur PLU de la Métropole... Il faut faire attention à la préservation des espaces agricoles et semi-naturels. Préserver du foncier pour l’agriculture, l’alimentation, c’est, à mon sens, un enjeu de taille pour demain.