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Portrait - Nune Khachatryan : « Ici, on ouvre des portes pour toi »

25/10/2017 Aide à la recherche d'emploi

Ancienne ingénieure-chimiste, Nune Khachatryan a été contrainte de fuir son pays, l’Arménie, au mois d’octobre 2009. En quête d’une vie plus douce, elle s’est installée en France, à Clermont-Ferrand, avec son mari et ses deux enfants. En contrat d’insertion pendant quelques années, cette femme de 51 ans a suivi des cours de français et repris ses études avant de devenir chef de cuisine de l’entreprise d’insertion Six.Trois, où elle a fait ses débuts. Aujourd’hui, c’est elle qui guide les bénéficiaires vers un retour à l’emploi.

L’hiver sera bientôt là. Alors Nune Khachatryan continue de glisser quelques feuilles de vignes dans des bouteilles plastiques en prévision de ces jours plus froids. Une habitude qu’elle, a rapportée de son Arménie natale. Là-bas, « comme toutes les femmes », elle cuisinait le dolma. Une préparation typique dans les Balkans qui consiste à farcir les fameuses feuilles de vigne avec de la viande hachée. Ici, en France -sa terre d’accueil depuis octobre 2009- sa cuisine sent toujours aussi bon le partage. Mais c’est plutôt de généreux bœuf bourguignon que cette femme à la joie communicative prend désormais plaisir à servir.

Début 2017, elle est devenue l’une des deux chefs de cuisine de l’entreprise d’insertion Six.Trois qui assure, entre autres services, le catering de la Coopérative de mai. Pourtant, derrière cette blouse blanche sur laquelle ses nom et prénom sont brodés en belles lettres, se cache en fait une ancienne ingénieure-chimiste...

Un exil et plusieurs vies

Nune Khachatryan, élégante et coquette dame blonde de 51 ans, a connu plusieurs vies. Celle qu’elle a choisie en France s’est d’abord construite autour d’un douloureux exil. Un exil dont elle se refuse de parler, sans doute pour ne pas faire de l’ombre au bel esprit qui l’anime aujourd’hui. Celui d’une battante. Une mère de deux grands enfants qui préfère « voir devant », même si elle ne cache pas sa peine d’avoir « laissé » parents et amis en Arménie. Le noir intense de ses yeux, fondu dans le décor coloré du restaurant de Six.Trois où nous l’avons rencontrée, traduit à la fois sa lourde histoire et sa formidable gaité.

Arrivée à Clermont-Ferrand comme demandeur d’asile, Nune Khachatryan est l’une de ces 1600 personnes accompagnées chaque année par Clermont Auvergne Métropole via le PLIE (Plan local d’Insertion et d’Emploi). En 2013, elle intègre Six.Trois sur un poste polyvalent en contrat insertion, après être passée par l’association solidaire Les Mains Ouvertes. En parallèle, la cuisinière suit des cours de français de façon intensive. « La barrière de la langue, c’était trop difficile pour discuter avec les clients du restaurant. Alors je suis allée partout où j’ai pu apprendre. Je voulais parler très vite ! ». À présent, Nune Khachatryan s’exprime dans un français plus que correct. « Maintenant, je parle peut-être 10 heures par jours ! Je crois que je parle trop d’ailleurs », confesse-t-elle dans un long sourire.

"J'avais envie de travailler, de m'intégrer"

 

Sa pugnacité est vraiment frappante. Cette même pugnacité qui l’a probablement poussée à reprendre ses études en 2015, à l’école hôtelière de Chamalières. « À l’époque, c’est mon chef à Six.Trois qui me l’avait conseillé. Moi, j’avais envie de travailler, de m’intégrer… » Un sans faute, encore une fois, puisque cette nouvelle expérience lui permet de trouver un emploi stable. Un CDI à Six.Trois, après y avoir enclenché son insertion. Un retour aux sources, comme si ce ne pouvait être autrement. Dans la cuisine de l’entreprise, elle est devenue un élément très précieux aux yeux de ses collègues encadrant, mais surtout aux yeux de ces personnes en insertion qu’elle accompagne à son tour. « Son parcours force le respect », souffle l’une de ses collègues. « Les gens la respectent. Elle est très douce, très patiente ». Nune Khachatryan, elle, donne une belle moralité à cette histoire : « faire la cuisine pour moi aujourd’hui c’est comme expliquer la vie aux gens ». La sienne, qui a « commencé de zéro en France », est maintenant « bien construite ici ».